Publié le : 03 décembre 20209 mins de lecture

La bataille de Lépante, qui a eu lieu le 7 octobre 1571, est l’un des épisodes les plus importants de la guerre à Chypre, qui a vu s’opposer les forces catholiques et celles du royaume ottoman. La guerre a éclaté à cause de l’occupation ottomane de l’île de Chypre, alors dominée par la République de Venise.

La bataille de Lépante

Les Turcs se sentent en quelque sorte autorisés à prendre possession de l’île pour bloquer les ports d’escale d’où partent les pirates qui pillent les navires à destination de Constantinople. Selon les Turcs, leur occupation serait encore légitimée par l’excellent accueil des Chypriotes, fatigués de l’ingérence vénitienne excessive. La question chypriote s’inscrit cependant dans un contexte plus large, caractérisé par le choc entre l’Ouest et l’Est pour la domination de la Méditerranée. L’expansionnisme turc préoccupe beaucoup les royaumes occidentaux, et en particulier l’Espagne. Le pape Pie V a donc décidé de profiter de la situation pour créer une Sainte Ligue, et rassembler les forces catholiques désormais divisées autour du vieil esprit de croisade contre les infidèles. La bannière de la Sainte-Ligue a été remise à Don Giovanni d’Autriche dans la Basilique de Santa Chiara le 14 août 1571. Et les flottes de la Ligue ont mis les voiles depuis Messine, à destination de Patras, pour tenter d’intercepter les navires ottomans conduits par Lalà Mustafà, coupable d’avoir commis un acte d’extrême cruauté contre le sénateur vénitien Bragadin, commandant de la forteresse de Famagosta. Après la reddition et la signature des accords de paix à Famagouste, les Vénitiens ont massacré les prisonniers turcs et ont refusé de donner suite à leur demande de détenir certains capitaines en garantie. Mustafà réagit en décapitant les officiers vénitiens et en écorchant vif Bragadin, dont la peau est ensuite remplie de paille et hissée sur le navire avec les têtes d’Alvise Martinengo et de Gianantonio Querini. Le terrible étalage des trophées macabres se répète également dans les rues de la capitale ottomane. Ce sera précisément l’épisode qui déclenchera la bataille.

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La victoire

Afin de favoriser la victoire, Don Giovanni d’Autriche décide de déployer sa flotte en formation croisée, en plaçant six galères vénitiennes comme appâts et en remplaçant les épéistes par les arquebusiers. Il a ensuite confié le navire amiral du pape à Marcantonio Colonna, et l’arrière-garde aux Chevaliers de Malte. La supériorité des armements vénitiens sur les armements turcs est l’une des raisons de la force de la Sainte-Ligue. L’action ottomane, au contraire, vise principalement à surprendre le bateau de Don Giovanni, et à le tuer dans une tentative de démoraliser les soldats catholiques. Son navire est, en effet, en plein déploiement à côté de la galère commandée par le Vénitien Sebastiano Venier, oncle d’une jeune fille réduite en esclavage dans le harem de Constantinople.

Comment s’est déroulé la bataille ?

La bataille de Lépante est résolue avec la victoire catholique et la mort au combat d’Ali Pacha. Malgré l’opposition de Don Giovanni, le commandant turc est décapité et sa tête est exposée sur le mât du navire amiral espagnol. A la vue de la tête de leur commandant, les Turcs décident de se rendre et de se retirer. L’issue de la bataille de 5 heures est terrible. Les Turcs perdent 80 galères pour avoir coulé, et 117 pour avoir été capturés. Les pertes, entre morts et disparus, s’élèvent à 30 000. À la fin de la bataille, 15 000 esclaves chrétiens à la rame ont également été libérés. Les pertes de la Sainte Ligue, au contraire, correspondent à 15 galères et à 7 650 morts et 7 780 blessés. La victoire est scellée par une série de récompenses catholiques, comme la fête de Santa Maria della Vittoria établie pour commémorer la bataille historique qui s’est terminée avec succès par l’intercession de la Vierge Marie.

Pourquoi est-elle importante ?

La bataille de Lépante est historiquement importante aussi parce qu’elle est la première victoire des forces catholiques occidentales sur les Turcs, protagonistes d’un fort mouvement expansionniste qui s’est poursuivi sans conteste jusqu’à la guerre de Chypre. Mais le manque de cohésion entre les différents États qui composent la Ligue ne permet pas à Venise de tirer profit de la victoire, également en raison de l’opposition de Philippe II, contrairement à la possibilité que la Sérénissime acquière une domination excessive en Méditerranée. En fait, après seulement deux mois, Chypre est revenue sous la domination ottomane et, en 1573, un accord a été signé entre Venise et le Grand Visir. Don Giovanni D’Austria, le principal promoteur de la victoire, est mort en 1575 en Belgique, où il était occupé à combattre les forces des protestants.

Conséquences

La défaite eut une importance considérable pour les Ottomans, qui n’avaient pas perdu de bataille navale importante depuis le quinzième siècle. Elle fut pleurée par eux comme un acte de la Volonté divine, des chroniques contemporaines rappelant que la Flotte Impériale avait affronté la flotte des Infidèles impurs, et la volonté de Dieu tourna en sa défaveur. Le spécialiste français de l’histoire ottomane, Gilles Veinstein, mentionne une lettre de la Sainte-Ligue publiée à Paris en 1572 selon laquelle le désastre de Lépante aurait semé la panique à Istanbul. Sélim II aurait fait passer son trésor à Bursa, de même que les femmes et les jeunes enfants mâles du sérail. Lui-même et ses janissaires se seraient réfugiés à Edirne, tandis que les défenses d’Istanbul étaient renforcées. La population musulmane aurait également fui la capitale ne la laissant peuplée que de Grecs et de Chrétiens francs. Cependant, la Sainte-Ligue ne réussit pas à tirer profit de sa victoire, et alors que la défaite ottomane a souvent été citée comme le tournant historique du début de la fin de l’expansion de l’Empire ottoman, ce ne fut en aucun cas la conséquence immédiate; même si cette victoire des Chrétiens à Lépante confirma une division de facto de la Méditerranée, avec une moitié à l’est sous la domination ottomane et l’autre moitié à l’ouest sous le contrôle de la dynastie des Habsbourg et de ses alliés italiens, arrêtant l’établissement des Ottomans sur les côtes italiennes, la Sainte-Ligue ne regagna aucun des territoires conquis et perdus avant Lépante. Les Ottomans furent rapides à reconstruire leur marine, bien qu’inférieure à la précédente en qualité des navires et des équipages; la perte de la plupart des équipages de rameurs fut particulièrement critique. Dans le courant 1572, à peu près six mois après la défaite, plus de 150 galères, 8 galéasses, et au total 250 navires furent reconstruits, comprenant huit parmi les plus grands navires jamais vus dans la Méditerranée14. Avec cette nouvelle flotte, l’Empire ottoman était capable de réaffirmer sa suprématie sur la Méditerranée orientale.

En 1572, la flotte chrétienne alliée reprit de nouvelles opérations et fit face à une nouvelle marine ottomane de 200 vaisseaux sous le commandement de Uluç Ali Paşa. Ce dernier évita soigneusement d’affronter la flotte chrétienne alliée et se réfugia en sécurité sous les défenses de la forteresse de Modon. L’arrivée d’un renfort de 55 navires espagnols équilibra le nombre de bateaux engagés des deux côtés et ouvrit la possibilité d’une attaque décisive, mais un grand désaccord entre les amiraux de la flotte chrétienne et l’indécision de Don Juan fit disparaître cette opportunité. Pie V décéda le 1er mai 1572. Des divergences dans les intérêts des membres de la Ligue commencèrent à se faire jour et l’alliance chrétienne se défit progressivement.